PROCÈS DU JOURNALISTE PHOCAS NDAYIZERA, LA JOURNÉE DU 09 JUILLET 2020

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Par Constance Mutimukeye

Ce 23 juillet 2020 aura lieu la suite du procès du journaliste Phocas Ndayizera et ses 12 co-accusés. A la demande du parquet l’audience se tiendra en présentielle et les accusés auront au préalable visionné les images qui sont supposées les incriminer. En attendant cette journée Ijisho ry’Abaryankuna revient sur la journée du 09 juillet 2020.

Un fait remarquable de cette journée est que l’investigation et le parquet rwandais ont réussi l’exploit improbable, celui d’incriminer une partie d’accusés sur la base des faits inventés et de plus ces faits correspondent  à un délit qui n’existe pas dans la loi rwandaise, celui de fuir le Rwanda !

Les accusés sont poursuivis pour le crime de terrorisme. Selon les autorités rwandaises ils auraient voulu faire exploser des infrastructures comme les tanks, les ponts et autres…L’audience du 09 juillet avait lieu en ligne et jugée par  la section terroriste du tribunal de grande instance de Nyanza dans le sud du Rwanda. La journée était consacrée à l’audition des accusés qui comme le journaliste Phocas Ndayizera ont tous plaidé non coupables des faits dont on leur reproche et ont dit avoir été torturés pour les forcer à faire des faux-aveux et qu’ils ont accepté pour sauver leurs vies.

Nshimirumuremyi Jean Claude a été le premier à se defender lors de cette journée. Le journal Igihe.com a reporté « qu’il a nié avoir comploté contre les autorités actuelles, qu’il a dit que tout a été inventé et qu’il n’a pas participé à un complot contre les autorités ».  Il n’a jamais voulu fuir le Rwanda comme le prétend le parquet en disant qu’il a été arrêté à Nyagatare (près de l’Ouganda) mais au contraire qu’il a été arrêté chez lui.

Il a en outre ajouté que « Patrick Niyihoza l’a appelé pour lui dire qu’il voulait l’aider à trouver un emploi mais qu’il lui expliquera en détail au moment opportun“. Cependant, avant son arrestation, il a été appelé par « le numéro de téléphone de Patrick Niyihoza qui lui a annoncé qu’il lui avait trouvé un travail, lorsqu’il est arrivé à Jali où il était censé le rencontrer, il y avait des personnes habillées en civil qui l’ont immédiatement menotté et couvert le visage avant de l’emmener en voiture. Ce jour-là, il n’a pas vu Patrick Niyihoza ».

Nshimirumuremyi a affirmé qu’il n’a jamais plaidé coupable d’avoir effectué « le repérage de l’endroit qu’ils allaient exploser”. Il a ajouté n’avoir jamais reconnu après des services de l’office rwandais d’investigation (le RIB) « avoir eu l’intention de rejoindre un groupe terroriste anti-Rwanda ni avoir participé à des préparatifs ».

Sur les aveux qu’il a faits au parquet il a affirmé “que l’on lui a fourni des documents auxquelles il devait signer, ce qui l’a fait sans hésiter pour sauver sa vie ». Il ajouté que sa déclaration devant le parquet « avait été faite sous la contrainte et à la demande pour incriminer Patrick Niyihoza d’avoir voulu l’enrôler dans la milice ».

Sur ses liens avec Cassien Ntamuhanga, il a expliqué au tribunal qu’ils ne se connaissaient pas personnellement mais qu’il suivait ses émissions à la radio.

Le juge a demandé à Mr Jean Claude Nshimirumuremyi s’il était conscient du poids de ce qu’il disait, il a répondu par l’affirmatif et a ajouté que les charges retenues contre lui sont « des mensonges fabriqués ». Il a conclu en demandant que la justice soit faite : « Ce que je voudrais ajouter est que mon innocence soit rétablie ».

Ensuite, c’était le tour de Mr Rutaganda Bosco, qui s’est présenté devant la barre en déclarant que son arrestation était liée à Patrick Niyihoza, ce dernier fait partie des accusés. Il a plaidé non coupable « d’avoir comploté contre le régime en place ou d’avoir voulu le renverser par la guerre ». Il a déclaré que « ce qui s’est passé c’est que j’ai donné mes cordonnées à Niyihoza Patrick qui me disait qu’il allait me trouver un petit boulot sans toutefois me préciser sa nature ». Il a également dit qu’il n’avait jamais était encouragé à intégrer une milice du RNC diriger par Kayumba Nyamwasa. Il a également nié catégoriquement avoir été convoqué par Ukurikiwenimfura Théoneste et Munyensanga Martin. Il a déclaré que c’était des personnes qu’il ne connaissait pas ou à peine. En effet, il avait l’habitude de voir une photo d’Ukurikiwenimfura Théoneste sur le téléphone de son frère et connaissait également “Munyensanga Martin comme un homme qui a épousé la femme du voisin mais ne lui a jamais parlé“.

S’Il est poursuivi et s’il a été arrêté lorsqu’il se trouvait à l’école, il pense que « c’est parce que Niyihoza Patrick lui envoyé un message en lui promettant de lui trouver du travail ».

Quant à Rutaganda Bosco comme ses camarades il a dit qu’il avait accepté de plaider coupable lors de l’interrogation par le parquet et lors de l’audience pour la mise en liberté provisoire parce qu’il avait été contraint de le faire et avait été menacé. On lui avait dit que s’il n’avouait pas « ils allaient lui faire du mal». Les personnes qui le lui ont demandé étaient des hommes armés en tenue civile, ce sont eux qui l’escortaient pour aller au tribunal.

A la demande d’opposer son identité et signature sur des fausses déclarations l’accablant, il a dit au Tribunal « qu’il avait accepté de collaborer pour sauver sa vie, en effet il était détenu dans un endroit inconnu dans lequel il avait été amené le visage couvert. »

Le troisième à se défendre a été Nshiragahinda Erneste qui a dit être innocent. Comme pour les autres les autorités rwandaises lui ont forcé à signer des faux aveux. Il a nié avoir voulu « comploter contre le pouvoir actuel » et d’avoir participé aux réunions pour préparer « la chute du régime actuel ». Comme pour les autres Patrick Nihoza lui avait promis de lui trouver un petit job mais ne lui avait pas indiqué où.

Sur les conditions de son arrestation, il a expliqué que le RIB lui a tendu un piège pour pouvoir l’accuser d’avoir voulu fuir le Rwanda. Il a été appelé par Patrick Niyihoza et s’est rendu vers Nyagatare pour rencontrer leur « futur chef ». Arrivé à Rwamagana sur le chemin vers Nyagatare, la voiture qui le transportait a été stoppée, la police l’a descendu, menotté, cagoulé et transporté dans un lieu de détention secrète. Il y est resté pendant 12 jours d’isolement total, c’est durant cette détention que le RIB amenait des papiers et le lui forçait à les signer sans qu’il ne sache ce qui y était écrit réellement.

Le dernier à s’être présenté à la barre est Ukurikiyimfura Théoneste. Comme ses camarades il a plaidé non coupable pour les faits qui lui sont reprochés. Il est poursuivi pour « avoir participer à des réunions en vue de rejoindre un groupe terroriste », « avoir participé à des réunions en ligne dirigées par Ntamuhanga Cassien » et « avoir été chargé de repérer l’endroit où ils allaient projeter des explosifs ». Tout cela pour lui a été fabriqué de toutes pièces. Il a dit lui aussi connaitre Patrick Niyihoza qui l’avait appelé au téléphone pour lui dire qu’il allait l’aider à trouver du travail. Concernant les explosifs il a dit n’avoir pas été au courant. Sur ses liens avec Ntamuhanga, il ne faisait que suivre les émissions que ce dernier animait à la radio et ne le connaissait que dans ce cadre. Aussi, il a expliqué au juge qu’il a été torturé mentalement et physiquement et que c’est pour cela qu’il a signé une fausse déclaration des faits l’accablant. Il a demandé à la Cour de ne pas tenir compte de ces déclarations rédigées par le parquet et le RIB mais au contraire de tenir compte de ses déclarations faites devant la Cour pour réparer l’injustice dont il fait l’objet.

Après l’audition des témoins c’était au tour du parquet de montrer les preuves. Il n’a pas voulu car parmi les preuves se trouvaient des images et sons et les présenter dans une audience en ligne n’était pas la meilleure façon de procéder pour le parquet. Il a demandé la tenue d’une audience avec la présence de toutes les parties prenantes.

Pour les avocats des accusés réunir tout le monde allait retarder le procès alors qu’il fallait rendre justice aux accusés le plus vite possible. De l’autre côté si eux avaient pu visionner les vidéos leurs clients n’avaient pas pu le faire, de ce fait il était nécessaire qu’ils en prennent connaissance avant qu’ils ne soient présentés.

La Cour a décidé d’ajourner la suite du procès pour permettre aux accusés de visionner les vidéos, pour ce faire elle a promis de demander au directeur de la prison de Mageragere d’autoriser le visionnage des vidéos par les accusés. La Cour a aussi accordé la demande du parquet, légitime selon la Cour et ainsi décidé que la prochaine audience se fera en présentielle.

Pour rappel Cassien Ntamuhanga fait partie des accusés mais est jugé in absentia. Tous les accusés sont membres de l’Alliance Rwandaise pour le Pacte National (RANP-ABARYANKUNA), c’est le véritable motif de leur poursuite.

Le Rwanda est officiellement une prisons à ciel ouvert, en effet si un citoyen peut être poursuivi pour avoir voulu fuir le pays ce que c’est une prison !

La prochaine audience aura lieu ce 23 juillet 2020

Constance Mutimukeye

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