CATHEDRALE DE NANTES : EMMANUEL ABAYISENGA « N’EST PAS UN ESPION POUR LE COMPTE DE KIGALI »

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Par Constance Mutimukeye

Ce 26 juillet 2020 la France entière apprenait la mise en examen d’Emmanuel Abayisenga  pour « des chefs de destructions et dégradations par incendie et placé en détention provisoire par le juge des libertés et de la détention ». Ce Rwandais de 39 ans venait de reconnaitre être à l’origine de l’incendie qui a ravagé la Cathédrale de Nantes le 18 juillet 2020, une incendie qui a complétement détruit le grand orgue de 1619.

Si la France regrettait sa cathédrale et l’orgue, du côté des rwandais l’heure était à la spéculation, qui était cet Emmanuel Abayisenga que personne ne semblait connaitre, était-il du côté de la dictature du FPR ou du côté de ceux qui sont menacés, y compris en France, par la dictature ? Ijisho ry’Abaryankuna revient sur les différentes spéculations avant de vous reporter ce que les proches d’Emmanuel Abayisenga nous ont confié.

  1. Les pros FPR instrumentalisent l’affaire au travers de la « CRF »

La « Communauté » Rwandaise de France connue sous son sigle CRF est une association de type loi 1901 qui ne représente pas tous les ressortissants rwandais comme son nom pourrait le laisser entendre mais ceux qui sont bien vus par le Front Patriotique Rwandais, parti unique au pouvoir depuis 26 ans au Rwanda. Cette association opère comme toutes les diasporas rwandaises en étant le relais de l’Ambassade du Rwanda en France afin de défendre la dictature de Paul Kagame en France et si possible s’en prendre aux voix qui résistent à cette dictature.

L’une des figures de la CRF, Me Gisagara Richard en tenue du FPR!

Dans un communiqué publié le 28 juillet la présidente de la CRF s’est empressée de prendre les distances avec E. Abayisenga en déclarant que : « la Communauté Rwandaise de France tient à préciser que cette personne est totalement inconnue en son sein. Elle ignore dès lors son parcours de vie et ses motivations », cette déclaration est étonnante car la CRF, une association lamda, n’est pas supposée connaitre le parcours de vie de tous les ressortissants rwandais vivant en France, et ce d’autant plus que c’est un relais de la dictature rwandaise et de nombreux ressortissants rwandais vivent en France en ayant fui les persécutions de cette dictature.

La CRF a profité de cette triste affaire pour essayer de fermer la porte aux demandeurs d’asile en provenance du Rwanda et des pays voisins en précisant  que : «D’ailleurs depuis plusieurs années, elle ne cesse d’alerter les autorités sur la présence en France d’individus potentiellement dangereux qui, après s’être rendus coupables des crimes les plus graves, ont fui le Rwanda ou les pays voisins du Rwanda pour échapper à la justice » !

Madame la présidente de la CRF a essayé d’entourlouper l’opinion en liant l’affaire de l’incendie de la cathédrale  à la récente arrestation des présumés génocidaires en France : « Quelques cas récents comme l’arrestation d’un génocidaire présumé ou encore la très récente procédure engagée contre un autre sont la preuve que le phénomène est très vaste et que l’alerte de la CRF devrait être prise plus au sérieux ». Une analogie mal venue dans la mesure où M. Emmanuel Abayisenga a été policier sous le régime de Paul Kagame.

  • Pour la communauté de réfugies et anciens réfugiés rwandais Abayisenga est un espion pour le compte de Kigali.

Dans cette communauté après le choc et les premières interrogations, le passé policier du jeune homme sous le régime de Paul Kagame a été évoqué. Emmanuel Abayisenga a quitté le Rwanda en 2010 pour le Malawi où il est resté pendant plusieurs mois. Nos sources nous ont indiqué qu’il a eu des problèmes personnels avec des personnes au Malawi et ce seraient elles qui ont lancé la rumeur sur les activités d’espionnage du jeune homme et ce par pure vengeance. Une photo d’un enfant soldat a circulé et l’on lui a attribué l’identité. En principe les demandeurs d’asile rwandais obtiennent leur statut de réfugiés politiques en France car les exactions et les violations des droits de l’Homme commis par Paul Kagame et son régime sont bien documentés en France. De lors pour cette communauté la non obtention du statut de réfugié politique du jeune homme pouvait être expliqué par son statut d’espion pour le compte de Kigali.

  • Emmanuel Abayisenga « avait fui comme beaucoup le Rwanda »

Face à toutes ces spéculations des connaissances ou anciens collègues d’Abayisenga nous ont contacté pour « informer » et « mettre fin aux rumeurs » sur qui est vraiment Abayisenga. « Abayisenga n’est pas un traitre (ikigarasha) comme le sous-entendent ceux du côté du pouvoir rwandais ni un espion (intore) comme le sous-entendent les réfugies ou anciens réfugiés », nous a raconté Kayitare[1] un ancien policier. Abayisenga a déserté la police comme de nombreux policiers, il occupait le poste de SJIPO (Sergent Judicial Intelligence Police Office) chargé de mener les enquêtes à Nyarugenge (centre de Kigali).

Sur le passé d’enfant soldat d’Abayisenga Kayitare nous a confirmé cette information tout en nous en indiquant qu’il a commencé comme enfant soldat, après il a fait partie de la gendarmerie (lorsque le FPR a fusionné la police municipale et la gendarmerie en 2000). Abayisenga est sorti dans la troisième promotion des policiers formés après cette fusion.

Un autre collègue d’Abayisenga nous a lui témoigné que ce dernier a déserté la police lorsqu’il en faisait partie et peu de temps avant qu’un collègue à eux soit emprisonné!

Kayitare est catégorique « la communauté doit arrêter de le prendre pour un intore (un espion), c’est lui enfoncer un couteau dans la plaie. Je ne saurai jamais ce qui l’a poussé à incendier la cathédrale, je pense qu’à choisir entre être reconduit au Rwanda ou une prison en France, il a choisi la France car il craignait les tortures qu’il aurait subies une fois au Rwanda ».

Emmanuel Abayisenga dans une lettre qu’il a envoyée aux autorités dont le préfet et l’évêque de Nantes a évoqué une attaque qu’il a subie dans l’église dont les séquelles nécessitent un suivi en France, a exprimé son incompréhension sur la notification de quitter le territoire reçue fin 2019, il leur a demandé de le soutenir, il a évoqué les forces de Satan à l’origine de son attaque et qui les aveuglaient au point de l’abandonner et ne pas le soutenir enfin il leur a prévenu sur un acte hors du commun qu’il prévoyait de commettre».

Emmanuel Abayisenga, s’il est condamné,  encourt une peine de 10 ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende.

Constance Mutimukeye


[1] Non d’emprunt

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